Page:Sacher-Masoch - A Kolomea - Contes juifs et petits russiens, 1879.djvu/236

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
226
À KOLOMEA.

Le matin tant redouté arriva. Le soleil paraît comme une grosse boule d’un rouge opaque, voilé de brouillards vaporeux. La couche de neige qui couvrait le sol était fortement gelée. Les traîneaux s’arrêtèrent l’un après l’autre devant la seigneurie. Enfin parut Anielowicz avec sa femme. À son grand étonnement, madame Téofila découvrit que le pasteur était un beau jeune homme qui n’avait pas trente ans, avec un joli visage distingué et rêveur ; il était grand, svelte, avait des manières irréprochables. Il avait le bon goût de ne pas sentir l’oignon, et elle remarqua que son col était assez propre pour n’être pas confondu avec une couenne de lard. En la saluant, il s’y était assez bien pris pour ne pas même lui marcher sur les pieds.

Pendant cette présentation, M. Kamil eut le temps de faire des observations du même genre sur la personne de madame Elsbeta Anielowiczana. Il trouva que, malgré sa robe à grands ramages, son manteau démodé à manches étroites, et son col carré, la femme du prêtre russe était une charmante petite créature, toute ronde, avec un délicieux nez retroussé et de beaux yeux bleus tout souriants.

Lorsque le déjeuner fut terminé, on partit pour la forêt ; Anielowicz s’assit avec Téofila dans un traîneau, tandis que M. Kamil s’installait plus loin avec la petite femme du prêtre. Un moment après, Téofila, animée par le feu de la conversation, se laissait aller de plus en plus sur l’épaule du joli prêtre, elle appuyait aussi distraitement son pied sur celui de son voisin. Pendant ce temps, son digne mari ne se faisait aucun scrupule de réchauffer tendrement entre ses poings les menottes glacées de sa petite compagne.

Lorsque les deux couples reprirent leurs places res-