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SCÈNES DU GHETTO.

chez lui glorieux Sonnenglanz, d’y rentrer maintenant, portant le nom d’un vulgaire pain de sucre.

Il rempocha tristement ses deux ducats, et se dirigea vers la porte. Un instant après, cependant, il reparut et posa une dernière fois la main sur la manche du chancelier ; il paraissait décidé à tout.

« Je veux bien, dit-il, ajouter aux deux ducats deux pièces de dix sous ; mais, je vous en supplie, ne me désespérez pas. Donnez-moi le nom de Grünblatt. Dieu vous bénira, ainsi que vos enfants et petits-enfants. »

Pour toute réponse, le chancelier secoua la tête. Quant au commissaire du district, il vociféra, tout impatienté :

« Crois-tu pouvoir marchander avec nous ? Nous prends-tu pour des juifs, dis, misérable ?

— Si vous refusez de me donner un joli nom, s’écria alors Absalom indigné, mais à part soi, et en apparence très tranquille, car il se tenait toujours incliné et parlait à voix basse comme s’il eût craint de réveiller quelqu’un, bien sûr je ne dépenserai pas deux ducats et deux pièces de dix sous pour une bagatelle aussi insignifiante. »

Il attendit un instant encore, et comme il vît que personne ne prenait garde à lui, il sortit précipitamment en frappant la porte. Cependant, cinq minutes ne s’étaient pas écoulées que le pauvre Absalom se présentait de nouveau devant le pupitre, et qu’il dit avec un gros soupir :

« Puisque je n’ai pas d’argent, je suis prêt à donner deux poulets et un pantalon à monsieur le chancelier, un excellent pantalon que j’ai acheté au comte Kornoraski ; dites, monsieur le chancelier, voulez-vous ? et consentirez-vous à m’inscrire sous le nom de Sonnenglanz ? »

Absalom se sentait soudain courageux comme un lion ; il posa devant le chancelier une pièce de cinq sous sur le pupitre, et ajouta :