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SCÈNES DU GHETTO.

— Lichtenstern, répondit Meilech, qui, à cet instant étincelait non seulement comme une étoile, mais plutôt comme le soleil dans sa gloire.

— Avez-vous entendu, enfants ? s’écria la riche marchande, toute fière. Nous allons nous appeler Lichtenstern. »

Meilech soupira. Il pensait à ses vingt ducats. Mais il pensa aussi à la police correctionnelle, et il se tut.

À la même heure, à peu près, un autre juif, le bon, brave et craintif Absalom, était établi avec les siens dans la petite, toute petite boutique où un homme de taille moyenne ne pouvait se tenir debout, et où le soleil ne pénétrait qu’une fois par jour, entrant par une légère fente, et tirant sur le carreau un cordon de lumière pas plus large que le doigt et pas plus long que l’aune avec laquelle Absalom mesurait aux paysannes des étoffes aux couleurs bariolées ; et il ne faut pas s’abuser : cette aune était certainement un peu plus courte qu’elle n’aurait dû l’être. Personne n’eût pu dire ce qu’était en réalité cet Absalom.

Il n’était rien qu’il n’achetât et ne revendit. Dans son petit magasin était entassé un monde d’objets un peu usés, il est vrai, un peu endommagés et un peu rouillés, mais tous à si bon marché !

On y trouvait des bottes raccommodées, puis de vieilles clefs rongées par la rouille ; il y avait aussi des montres d’or qui avaient le défaut de s’arrêter toutes les heures ou même tous les quarts d’heure ; on y trouvait aussi des robes de soie que les souris avaient légèrement endommagées.

Au milieu de ces trésors trônaient Absalom, sa femme Rachel, ses filles Rebecca et Esther, son fils Jossel et trois autres enfants. Tous se creusaient la tête pour inventer un nom qui fît non seulement de l’effet dans la