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SCÈNES DU GHETTO



Ce fut un jour de deuil pour Israël, un jour qui provoqua dans les rues juives de la capitale galicienne un tumulte indescriptible, que celui où fut publié l’édit de l’empereur Joseph II, ordonnant aux juifs d’adopter immédiatement des noms de famille. Ce fut comme si le feu avait pris à la ville. Tous ces braves gens craintifs, entassés dans d’étroites maisons de bois, où l’on trouvait souvent plusieurs familles dans une seule et même chambre divisée en appartements par de minces cloisons, venaient de se rassembler en un groupe compact, criant et gesticulant violemment, selon les mœurs juives. Lorsque fatigués de se plaindre et de protester, ils se furent résignés à se soumettre au décret de l’empereur, l’ambition commença à fermenter sous le caftan le plus modeste, et, qu’elles fussent coiffées de streimiks[1] de diadèmes ou de foulards, toutes les têtes commencèrent à travailler, à imaginer les noms les plus beaux, les plus agréables à l’oreille.

  1. Sorte de calpak bordé de fourrure.