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LA FÊTE DES MOISSONNEURS.

Tout le monde est sur pied au château. Deux chiens de chasse viennent en hurlant à votre rencontre. Un bouledogue aboie en mordant sa chaîne avec fureur, et assis sur le toit déjeté de sa cabane, un gros chat fait sa toilette. Cela annonce des visiteurs, assure un dicton. Le coq de la basse-cour, qui dormait perché au fond de l’écurie, s’éveille, et souhaite de sa voix aigre la bienvenue au coq des moissonneurs.

M. Wasyl Lesnowicz nous reçoit sur sa porte, les mains enfouies dans les poches de son pantalon. Son épouse, madame Athanasie-Aspasie Lesnowiczowa, se tient à ses côtés, la taille serrée dans un corsage à carreaux de couleur douteuse, ses cheveux d’un blond de lin roulés sous une fanchon à rubans roses.

Survient son fils, M. Nicolas ; un peu moins blond qu’elle, un peu plus replet, il est favorisé d’un long nez, d’épais sourcils, d’un gros visage et de grosses jambes. Il fredonne un air d’opéra. À son bras se suspend sa jeune et jolie femme, coquettement coiffée, adorable dans sa petite robe de toile aux nuances ternies par le blanchissage.

Les domestiques aussi sont présents. Le vieux Stéphan traverse la cour, une grosse bouteille d’eau-de-vie entre les bras. Un char de blé qui vient d’arriver des champs reste à demi déchargé devant la grange ouverte. Le cosaque et le gardien du rucher, deux farceurs émérites, se cachent derrière une porte, un pot plein d’eau à la main. Le chant des moissonneurs terminé, et tandis que monsieur Lesnowicz harangue la foule, ils se précipitent sur les filles d’honneur pour les asperger. Le gardien du rucher inonde Haudza, qui rit et se débat afin d’éviter cette cascade. Basja, plus alerte, s’élance sur le cosaque qui menace la reine des moissons, et lui retient