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À KOLOMEA.

les sorcières ? Elles sont bien comme les poules. Une poulette ne peut entrer dans le poulailler sans qu’elles se jettent dessus pour la piquer et lui arracher ses plumes. Regardez au contraire la jeune génération. Avec quel intérêt le petit coq s’occupe de la poulette ! Venez, monsieur, c’est à vous à décider laquelle de nos fillettes portera la couronne. Les femmes sont belles chez nous. Le choix est difficile, je vous en préviens. »

Nous descendîmes la colline, croisant sur notre passage des chariots chargés de gerbes entassées, et des moissonneurs en train d’aiguiser leurs faux.

Le soleil s’abaissait à l’horizon, couronné de petits nuages d’un rouge sanglant. Un vent léger soufflait sur les champs de vaine pâture. Perché sur une meule, un merle sifflait. Des moineaux tourbillonnaient dans les broussailles, jetant aux passants leur note insolente et monotone Cinq jeunes femmes assises sous l’aubépine tressaient une couronne de blé. Deux d’entre elles avaient sur leurs genoux une botte d’épis, une troisième retenant son tablier rempli de bluets, en piquait de temps en temps un dans la guirlande ; la quatrième fredonnait une chanson folâtre et soulevait de ses mains hâlées un ruban parfumé, de couleur rose.

À quelques pas de là se trouvait une autre jeune fille. Elle était assise sur un tertre, la tête dans ses mains, et complètement absorbée. Sur son visage ses cils marquaient deux taches d’ombre. Autour d’elle, une bande de garçons et de paysannes murmuraient, riaient et criaillaient.

Elle seule ne relevait pas la tête.

Nous nous approchâmes. Le silence s’établit. La rêveuse ne bougea pas. Mon compagnon, les mains aplaties sur ses genoux, se courba vers elle :