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LES AMOURS D’ADAM KOSABRODZKI.

l’air naïf d’un enfant qui vient de naître. Bref, le misérable avoua tout de suite sa faute, et nous avons réellement retrouvé l’argenterie à l’endroit qu’il nous désigna, près du ruisseau, au pied d’un vieil aune. »

Kosabrodzki se prit la tête à deux mains et arpenta fiévreusement la salle.

« Je ne sais en vérité ce que tu as ! Chez nous, c’est un usage très-répandu, reprit-elle avec un gracieux sourire. Et tu as beau dire ! le feu, c’est encore le meilleur moyen d’obtenir un aveu du plus entêté des bandits. »

Déjà les feuilles tombaient et servaient de jouet au triste vent d’automne ; les corbeaux croassaient, perchés sur les peupliers chauves de la seigneurie, et on entendait les loups hurler la nuit dans le lointain. La jolie bohémienne avait recommencé à grelotter devant son grand poêle. Un soir, le cocher raconta dans la cuisine qu’on avait aperçu des bohémiens vagabondant dans le village, et qu’un cheval avait été volé. On apporta à Tschingora cette nouvelle qui parut peu l’émouvoir.

Deux jours plus tard, Kosabrodzki accourut chez moi comme en délire.

« Tschingora est partie ! s’écria-t-il. Elle s’est enfuie ! Pas de doute possible ! L’ingrate !

— Avec un galant ?

— Ah ! si ce n’était que ça, répondit Adam, mais non ! La scélérate a levé le pied, emportant tous mes bijoux et une somme considérable. »