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LES AMOURS D’ADAM KOSABRODZKI.

elle se nourrissait. Puis, au milieu de la nuit, ou à l’aurore suivante, elle revenait rayonnante, trempée de rosée et aussi fraîche qu’une fleur de la steppe.

Une fois, de grand matin, Kosabrodzki fut réveillé par le chant du rossignol dans son jardin. Il ouvrit sa fenêtre, prêta l’oreille un moment avec extase et appela Tschingora. Elle ne répondit pas. Il entra dans sa chambre, le lit était vide, la couverture de soie tiède encore de son jeune corps. Kosabrodzki la chercha partout, dans la maison, dans la cour, à l’office, enfin dans le parc. Ne parvenant pas à la découvrir, il allait remonter dans son appartement, lorsqu’un rire clair, et qui paraissait tomber du ciel, l’arrêta sur le seuil de la porte. Il leva la tête et découvrit, au bout d’un moment, Tschingora vêtue de sa superbe robe de chambre, perchée à la cime d’un peuplier. Sur les instances touchantes d’Adam, elle descendit à terre avec la rapidité d’un écureuil, se pendit au cou de son amant et l’accabla de caresses sauvages.

« As-tu entendu le rossignol ? » lui demanda-t-il.

Elle éclata de rire, s’échappa, se blottit dans un buisson, et les soupirs de philomèle recommencèrent plus mélodieux que jamais.

« Ainsi, c’est toi qui faisais le rossignol ! s’écria Adam en courant à elle et en la prenant entre ses bras.

— C’était moi. Et je peux imiter encore bien d’autres animaux. »

Elle se mit à siffler comme un merle, à chanter comme une caille et à hurler comme un loup.

Il ne fallait pas songer à la convaincre de garder ses souliers hors de la maison. Dès qu’elle se sentait en plein air, elle ôtait ses bottines, lançait l’une dans un coin, l’autre sur un cerisier en fleur. Puis elle jetait