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LES AMOURS D’ADAM KOSABRODZKI.

ches et drapait pittoresquement ses lambeaux effiloqués sur les jambes nues jusqu’aux genoux et sur les petits pieds de la mendiante. Sur sa chemise sale qui ne couvrait qu’imparfaitement sa jeune poitrine, elle portait une jaquette sans manches, en drap blanc. Son cou, sa gorge, ses bras, ses oreilles disparaissaient sous de lourdes chaînes de corail, de perles et de sequins éblouissants. Elle se laissa flegmatiquement admirer pendant un instant par Kosabrodzki, puis elle se jeta à ses pieds et embrassa avec ferveur le bord de son paletot.

« Que veux-tu ? demanda celui-ci avec bonté.

— Donnez-moi votre main, mon doux petit monsieur, mon noble seigneur, nasilla-t-elle d’un ton mélancolique et glapissant, je veux vous dire la bonne aventure.

— Laisse-moi tranquille. Je ne crois pas à ces enfantillages. »

La bohémienne se leva.

« Dois-je vous donner un philtre, mon beau bienfaiteur, un philtre pour vous faire aimer de la plus fière et jolie dame ?

— L’as-tu sur toi ?

— Non, mon bienfaiteur.

— Avec quoi m’as-tu donc ensorcelé ? » s’écria Kosabrodzki en bondissant soudain sur son siège.

Elle recula, faisant un geste de terreur.

« Moi ? Je n’ai rien, rien du tout, bien sûr !

— Je te répète que tu m’as jeté un sort, continua Kosabrodzki. Je suis amoureux de toi, amoureux fou, entends-tu ? »

Elle comprit et commença à rire ; puis elle lui tourna le dos et se mit à tirailler ses bracelets.

« Fais-moi un cadeau, » demanda-t-elle d’une voix câline.