Adieu, ma petite sœur : je fais toujours mille compliments remplis de contrition à M.de Grignan, et vous supplie de sauver ma princesse[1] des fureurs du Troyen.
Suscription : Pour ma petite sœur.
1685
952. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.
Vous ne sauriez mieux faire que de promener votre tristesse à Versailles ; ce qui seroit pourtant encore mieux, seroit de n’avoir point de tristesse. Je crois que la poudre de sympathie n’est point faite pour de vieux maux : elle n’a guéri que la moins fâcheuse de mes petites plaies ; j’y mets présentement de l’onguent noir, qui est admirable ; et je suis si près d’être guérie, que vous ne devez plus penser à moi que pour m’aimer, et vous intéresser à la solide espérance que j’ai actuellement. Je n’ai pas un moment de fièvre, je suis tout comme un autre[2] : je mange sagement ; quand il fait beau, je me promène ; on veut que je marche parce que je n’ai point d’inflammation ; j’écris, je lis, je travaille, je reçois vos lettres avec tendresse et empressement : voilà, ma très-aimable, comme je suis, sans rien déguiser. Les grisons[3]
- ↑ 28. Mlle d’Alerac.
- ↑ LETTRE 952. — 1. Il y a un autre, et non une autre, dans les deux éditions de 1754, nos seules sources pour cette lettre. Voyez tome V, p. 500.
- ↑ 2. Le mot grisons est pris sans doute ici dans le sens que lui donne cette définition du Dictionnaire de Trévoux : « Grison se dit… par raillerie, des gens de livrée qui ne portent point de couleurs, et que l’on fait habiller de gris, pour les employer à des commissions secrètes. »