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1675perdu l’honneur ; dans la seconde, il l’alloit recouvrer s’il avoit été secondé ; mais il a été malheureux, et c’est un grand défaut à la guerre. Ne croyez-vous pas, Madame, qu’il voudroit n’être encore que le chevalier de Créquy ? Pour moi je le souhaiterois, si j’étois en sa place ; car on pourroit croire qu’il mériteroit un jour d’être maréchal de France, et l’on voit aujourd’hui qu’il en est indigne.

Dans le temps que nous craignions que les confédérés ne vinssent prendre Monsieur le Prince par derrière, ils se retirent chacun chez eux, et Montecuculi de même. Ne diriez-vous pas que la fortune veut faire réparation au Roi de la mort de M. de Turenne, et des malheurs de M. de Créquy ?

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452. —— DE MADAME DE SÉVIGNÉ
À MADAME DE GRIGNAN.
Aux Rochers, mercredi 2e octobre.

Il y a deux jours que j’ai reçu votre lettre, ma bonne ; c’est le dixième jour ; je pouvois la recevoir plus tôt : si la poste fùt arrivée le mardi à Paris, je l’aurois reçue dès vendredi, au lieu du lundi : voilà des attentions et des calculs qui me font souvenir du bon Chésières[1] ; mais je crois que vous les souffrez, et que vous voyez où ils vont et d’où ils viennent.

Votre lettre m’a touchée sensiblement : il me paroît que vous avez senti ce second éloignement, vous m’en parlez avec tendresse ; pour moi, j’en ai senti les douleurs, et je les sens encore tous les jours. Il me sembloit que nous étions déjà assez loin ; encore cent lieues d’aug-

  1. LETTRE 452 (revue en partie sur une ancienne copie). — Il était mort le 2 d’avril précédent. Voyez la Notice, p. 145.