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149. —— DE MADAME DE SÉVIGNÉ
À MADAME DE GRIGNAN.
À la Silleraye[1], mardi 24e septembre.

Me voici, ma fille, dans ce lieu où vous avez été un jour avec moi ; mais il n’est pas reconnoissable ; il n’y a pas pierre sur pierre de ce qui étoit en ce temps-là. M. d’Harouys manda de Paris, il y a quatre ans, à un architecte de Nantes, qu’il le prioit de lui bâtir une maison : il lui envoya le dessin, qui est très-beau et très-grand. C’est un grand corps de logis de trente toises de face, deux ailes, deux pavillons ; mais comme il n’y a pas été trois fois pendant tout cet ouvrage, tout cela est mal exécuté : notre abbé est au désespoir ; M. d’Harouys ne fait qu’en rire ; il nous y amena hier au soir. M. de Lavardin est venu dîner avec nous, et m’arrête jusqu’à demain matin. Il est impossible de rien ajouter aux honnêtetés, aux confiances et aux extrêmes considérations de M. de Lavardin pour moi ; je vous assure que M. de Grignan ne pourroit pas m’en témoigner davantage, ni même plus d’amitié. Je n’ose plus vous dire du bien de lui ; mais il a des qualités bien solides, et un désintéressement qui lui donne des tons bien propres à commander[2]. Je vous endormirai quelque jour des affaires de cette province ; elles sont dignes d’attention ; et présentement il faut que vous souffriez qu’elles fassent mes nouvelles.

  1. LETTRE 449 (revue en partie sur une ancienne copie). — « Le château de la Silleraye (Seilleraye, Sailleraye) est situé dans le canton de Carquefou, à environ sept kilomètres à l’est de ce bourg (et à quatorze de Nantes). Il est à deux kilomètres de Mauves et du bord septentrional de la Loire, sur le versant d’un coteau, au bas duquel coule un ruisseau » que dans le pays on appelle la Seille. Voyez Walckenaer, tome V, p. 451 et suivante.
  2. « Bien propres au commandement. » (Édition de 1754.)