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1670

il n’a plus de chaîne, et demeure à Marseille en liberté.

On ne peut trop louer le Roi de cette justice et de cette bonté.


118. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ AU COMTE DE GRIGNAN.

À Paris, mercredi 3e décembre.

Hélas ! c’est donc à moi à vous mander la mort de Mme la duchesse de Saint-Simon, après dix-huit jours de petite vérole, tantôt sauvée, tantôt à l’extrémité. Enfin elle mourut hier, et sa mort laisse presque tout le monde affligé de la perte d’une si aimable personne. Pour moi, j’en suis touchée au dernier point. Vous savez l’inclination naturelle que j’avois pour elle ; si vous en avez conservé autant, vous serez fâché d’apprendre une si triste nouvelle.

Au reste, le P. Bourdaloue prêche divinement bien aux Tuileries[1]. Nous nous trompions dans la pensée qu’il ne joueroit bien que dans son tripot[2] : il passe infiniment tout ce que nous avons ouï.

  1. LETTRE 118. — 1. Le P. Bourdaloue fut appelé à Paris par ses supérieurs en 1669, et y prêcha, pendant tout le cours de cette année, aux Jésuites de la rue Saint-Antoine. Mme de Sévigné, dans sa lettre du 27 mars 1671, rappelle qu’elle y entendit sa Passion, avec M. de Grignan. L’année d’après, il prêcha l’Avent à la cour. En 1670, le premier dimanche de l’Avent tombait au 30 novembre. À la date de notre lettre, Bourdaloue avait donc prêché déjà deux sermons : celui de ce premier dimanche, aux Tuileries, et auparavant celui de la Toussaint, dans la chapelle du château de Saint-Germain.
  2. 2. « On dit qu’un homme est dans son tripot, pour dire qu’il est dans un lieu où il a de l’avantage pour la chose dont il s’agit. » (Dictionnaire de l’Académie de 1694.)