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1670

faire son compliment ici : jamais je n’ai vu de si grandes apparences d’une véritable amitié. Que vous dirai-je encore ? Oserai-je le dire ? Je crois que la santé de votre chère épouse vous en consolera : c’est que notre aimable duchesse de Saint-Simon[1] a la petite vérole si dangereusement que l’on craint pour sa vie. Adieu, mon cher ; je laisse à votre pauvre cœur à démêler tous ces divers sentiments ; vous savez les miens il y a longtemps sur votre sujet.

Les médisants disent que Blanche d’Adhémar ne sera pas d’une beauté surprenante ; et les mêmes gens ajoutent qu’elle vous ressemble : si cela est, vous ne doutez pas que je ne l’aime fort.


116. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ AU COMTE DE GRIGNAN.

À Paris, mercredi 26e novembre.

Vous avez une lettre de votre chère femme ; n’est-ce pas une folie de se mêler de vous écrire ? Ce n’est aussi que pour vous dire que Mme la duchesse de Saint-Simon est hors de tout danger. Le jour que je vous écrivis, elle avoit reçu tous ses sacrements, et l’on ne croyoit pas qu’elle dût vivre deux jours. Présentement, vous pouvez

  1. 12. Diane-Henriette de Budos, première femme, en 1644, de Claude duc de Saint-Simon, mourut à quarante ans, le 2 décembre 1670 : voyez la lettre 118. Ce n’était point la mère de l’auteur des Mémoires : il était fils de la seconde femme du duc de Saint-Simon, Charlotte de l’Aubépine. « Dans sa jeunesse elle (Diane-Henriette) était une des célébrités de l’hôtel de Rambouillet, et le Grand Dictionnaire des précieuses (de Somaize) a tracé d’elle, sous le nom de Sinésis, un portrait qui ressemble à celui qu’a donné Saint-Simon. » (Walckenaer, tome III, p. 298.)