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révolte toujours suspendue aux tocsins »[1], des attentats réitérés à la vie du souverain (au fait, de 1830 à 1840 il y en eut six), bref tous les signes précurseurs de l’anarchie… Avant de songer à faire le bonheur des autres peuples, tâchez de vous amender vous-mêmes. Répudiez surtout votre chauvinisme belliqueux et livrez-vous, comme les Belges, aux pacifiques travaux de l’industrie. Bien des abus subsistent chez nous, nous le reconnaissons ; mais nous saurons les réformer sans votre secours, comptez pour cela sur la sagesse du peuple belge.

Les dernières strophes, où la véhémence se nuance de dédain, sont particulièrement insolentes.

Ce poème est de 1840, c’est-à-dire d’une époque où l’écrivain avait encore à gagner. Il est déparé par des lourdeurs et des clichés, par une phraséologie qui appartient moins à la poésie qu’au journalisme ou à l’éloquence populaire, et il est, en somme, beaucoup plus oratoire que lyrique. Enfin je n’oserais dire que Weustenraad garde toujours la mesure vis-à-vis des Français, quels que fussent, en 1840, les sentiments de beaucoup d’entre eux à notre égard. Toutes ces réserves n’empêchent pas cette œuvre d’être remarquable. Weustenraad se montrera meilleur poète et meilleur écrivain. Il ne fera rien de plus vigoureux, de plus cohérent, que ce poème inégal et médiocre dans

  1. Ce vers est traduit de Schiller : Da zerret an der Glocke Strângen der Aufruhr… (Das Lied von der Glocke.)