Page:Sénac de Meilhan - L'Émigré, Tome 1.djvu/47

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à jouir en silence d’une vue superbe. Je ne sais pourquoi dans les momens où l’on est le plus frappé des beautés de la nature, la mélancolie s’empare de nous. Les plaisirs bruyans de la ville nous jettent hors de nous-mêmes, et le mot divertir est d’une grande justesse, à laquelle on ne fait pas attention. Ce genre de plaisir, effectivement, nous éloigne de nous-mêmes, et c’est ce que signifie divertir. Les plaisirs qui tiennent de plus près à la nature nous y ramènent, concentrent nos sentimens et nos pensées, et l’ame alors a plus d’action que l’esprit ; on a bien moins de saillies que de sentimens, on n’est point gai, mais on est satisfait ; on est souvent plus près de pleurer que de rire ; mais qui a jamais été aussi heureux en riant de tout son cœur qu’en répandant des larmes arrachées par le sentiment !