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d’Areus, philosophe attaché à la personne d’Auguste, et confessa qu’elle lui dut bien plus qu’au peuple romain qu’elle ne voulait pas affliger de sa tristesse ; plus qu’à son époux, privé de son second appui, et dont l’âme chancelante n’avait pas besoin d’épuiser un reste de force à pleurer les siens ; plus, en un mot, qu’à son fils Tibère qui, après une perte prématurée et tant regrettée des peuples, lui fit sentir que c’était le nombre plutôt que la tendresse de ses enfants qui lui manquait. J’imagine que, près d’une femme si jalouse de maintenir sa renommée, Aréus dut entrer en matière et débuter de la sorte :

« Jusqu’ici, ô Livie (autant du moins que peut le savoir l’assidu compagnon de votre époux, celui qu’il initie aux actes faits pour devenir publics, tout comme aux plus secrets mouvements de vos cœurs), vous avez pris garde de ne pas laisser en vous la moindre prise à la censure. Sur les plus petites choses comme sur les plus grandes, vous vous êtes observée de manière à n’avoir jamais besoin de l’indulgence de la renommée, ce juge indépendant des princes. Et le rang suprême a-t-il un plus beau privilège que d’accorder des milliers de grâces, et de n’en demander aucune ? Suivez donc ici encore votre belle coutume ; ne hasardez rien dont vous puissiez dire : Que ne l’ai-je pas fait, ou que ne l’ai-je fait autrement !

V. « Je vous prie aussi, je vous conjure même de ne pas vous montrer difficile et intraitable à vos amis. Vous ne pouvez l’ignorer en effet, ils ne savent maintenant comment se comporter devant vous ; parleront-ils quelquefois de Drusus, ou garderont-ils le silence ? ils ont peur que taire cet illustre nom ne soit lui faire injure ; le prononcer, vous offenser. Loin de vous, dans nos réunions, ses actions et ses discours sont exal-