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prince, déjà c’était un grand capitaine. Il avait pénétré jusqu’au fond de la Germanie et planté les aigles romaines en des lieux où l’on savait à peine qu’il existât des Romains. Frappé au sein de la conquête, ses ennemis mêmes le respectèrent malade, en concluant une trêve avec nous et en n’osant souhaiter un malheur pour eux si prospère. À la gloire de cette mort reçue pour la république s’étaient joints les regrets unanimes des citoyens, des provinces, de l’Italie entière qui vit, menées à travers l’Italie, par tous les municipes et les colonies qui lui prodiguaient à l’envi leurs lugubres devoirs, ses funérailles entrer triomphalement jusque dans Rome. Sa mère n’avait pu goûter le douloureux plaisir de recevoir d’un fils l’adieu suprême et le dernier baiser. Et pourtant, après avoir suivi durant une longue route ces dépouilles si chères, et vit fumer dans toute l’Italie ces milliers de bûchers qui, à chaque pas, semblaient renouveler sa perte et irritaient sa blessure, Livie, dès qu’elle eut déposé Drusus dans la tombe, y enferma ses chagrins avec lui : elle sut garder, dans son affliction, la dignité d’épouse et de mère des Césars. Aussi ne cessa-t-elle de rappeler le nom de son fils, de se représenter partout son image en public, en particulier, de parler, et d’entendre avec charme parler de lui ; tandis qu’on ne pouvait faire revivre et rappeler le souvenir de Marcellus devant Octavie, sans lui rendre sa tristesse.

De ces deux exemples choisissez lequel vous paraît le plus louable. Suivre le premier, ce serait vous retrancher du nombre des vivants, prendre en aversion les enfants d’autrui, les vôtres, celui même que vous pleurez, être pour les mères une rencontre de sinistre augure, rompre avec tout plaisir