Page:Sénèque - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome III, 1860.djvu/75

Cette page n’a pas encore été corrigée

vœux et les publiques prières obtenir d’elle, qu’un prince donné au genre humain, déjà sur le penchant de l’abîme, soit aussi sacré pour elle qu’il l’est pour l’univers. Qu’elle apprenne de lui la clémence ; qu’elle soit douce envers le plus doux des princes.

Pour vous, les yeux fixés sur ces grands hommes cités tout à l’heure, et déjà reçus dans le ciel ou dans une sphère voisine du ciel, souffrez sans murmure que le sort étende jusqu’à vous cette main qui frappe ceux même par qui l’humanité respire encore. Imitez leur courage à soutenir, à vaincre la douleur ; et, autant qu’il est donné à l’homme, marchez sur leurs traces divines. Partout ailleurs, dans les dignités et la noblesse, il y a l’obstacle des distances ; mais la vertu est accessible à tous : elle ne dédaigne jamais quiconque fait tant que de se juger digne d’elle. Quels plus beaux modèles pour vous que des hommes qui, pouvant s’indigner de n’être point exempts de ces calamités, n’ont pourtant pas tenu à injustice d’être en ce seul point assimilés aux autres, et n’y ont vu que le droit commun de la mort, qu’ils ont subie sans résistance farouche comme sans mollesse efféminée. Car ne point sentir ses maux, c’est n’être pas homme : ne pas les supporter, c’est manquer de courage.

Après avoir parcouru la liste de tous les Césars que le sort a privés de sœurs ou de frères, je ne puis en oublier un qui mérite une mention spéciale. Enfanté par la nature pour la ruine et l’opprobre de l’humanité, pour renverser de fond en comble un empire que relève la clémence du meilleur des souverains, Caligula, cet homme aussi incapable de se réjouir que de s’affliger en prince, évita, après la perte de sa sœur Drusilla, la vue