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elle suivra l’impulsion qu’elle a d’abord reçue ; elle ne se détournera, elle ne s’arrêtera nulle part. Qu’arrivera-t-il ? tandis que vous êtes occupé, la vie se hâte, la mort cependant arrivera, et bon gré mal gré il faudra la recevoir.

Chapitre IX.

(1) Peut-il y avoir pour les hommes (je dis ceux qui se piquent de prudence, et qui sont le plus laborieusement occupés) de soin plus important que d’améliorer leur existence ? Ils arrangent leur vie aux dépens de leur vie même ; ils s’occupent d’un avenir éloigné : or, différer c’est perdre une grande portion de la vie ; tout délai commence par nous dérober le jour actuel, il nous enlève le présent en nous promettant l’avenir. Ce qui nous empêche le plus de vivre, c’est l’attente qui se fie au lendemain. Vous perdez le jour présent : ce qui est encore dans les mains de la fortune, vous en disposez ; ce qui est dans les vôtres, vous le laissez échapper. Quel est donc votre but ? jusqu’où s’étendent vos espérances ? Tout ce qui est dans l’avenir est incertain : vivez dès à cette heure.

(2) C’est ce que vous crie le plus grand des poètes ; et comme dans une inspiration divine, il vous adresse cette salutaire maxime : « Le jour le plus précieux pour les malheureux mortels, est celui qui

s’enfuit le premier. » Pourquoi temporiser ? dit-il ; que tardez-vous ? Si vous ne saisissez ce jour, il s’envole, et même quand vous le tiendriez, il vous échappera. Il faut donc combattre la rapidité du temps, par votre promptitude à en user. C’est un torrent rapide qui