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M.Cicéron qui fut ballotté entre les Catilina et les Clodius, les Pompée et les Crassus, les uns ses ennemis déclarés, les autres ses amis douteux ; qui, battu de l’orage avec la république, la retint quelque temps sur le bord de l’abîme où il fut enfin précipité avec elle ; qui, inquiet dans la bonne fortune, fut sans courage dans l’adversité ; combien de fois ne maudit-il pas son consulat qu’il avait loué non sans sujet, mais sans mesure !

(2) Quelles lamentations ne fait-il pas entendre dans une lettre adressée à Atticus au moment où, après la défaite de son père, le jeune Pompée cherchait à relever en Espagne son parti abattu ! « Vous me demandez, dit-il, ce que je fais ici. Je vis à moitié libre, dans ma maison de Tusculum. » Puis entrant dans d’autres détails, il déplore le passé, se plaint du présent et désespère de l’avenir.

(3) Cicéron se disait à moitié libre ! jamais certainement le sage ne prendra un nom si humiliant ; jamais il ne sera à moitié libre ; toujours il jouira d’une liberté pleine et entière, affranchi de tout lien, ne dépendant que de lui, supérieur à tous les autres ; car qui pourrait être au-dessus de celui qui est supérieur à la fortune ?

Chapitre VI.

(1) Livius Drusus, homme âpre et violent, qui, par des lois nouvelles, réveilla les séditions des Gracques, entouré d’une immense multitude venue de toute l’Italie, hors d’état de prévoir l’issue d’une lutte qu’il ne pouvait ni terminer ni abandonner, après l’avoir engagée, maudissait, dit-on, cette vie de tous temps agitée, et disait que lui seul, même dans son enfance, n’avait jamais eu de congés. En effet, encore sous la garde d’un tuteur et revêtu de la robe prétexte, il osa recommander des accusés aux juges, et interposer son crédit dans le barreau