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de mort ? » Ils le font quand l’intérêt public le leur ordonne ; mais la cruauté plaît au cœur des tyrans. Ainsi ce n’est pas par le nom, mais par les actions qu’un tyran diffère d’un roi. En effet, Denys l’Ancien peut, à juste titre, être mis au-dessus de bien des rois ; et rien n’empêche de donner le nom de tyran à Svlla,.qui ne cessa d’égorgerque lorsqu’il n’eut plus d’ennemi. Quoiqu’il eût abdiqué la dictature et repris la toge de citoyen, quel tyran s’abreuva jamais de sang aussi avidement que celui qui fit massacrer à la fois sept mille citoyens romains ; qui, du temple de Bellone, situé dans le voisinage ayant entendu les cris de cette multitude gémissante sous le glaive, dit au sénat effrayé : « Continuons, pères conscrits ; c’est un petit nombre de séditieux qu’on exécute par mon ordre. » Ert cela il disait vrai : Sylla les trouvait en petit nombre ; mais bientôt on entendit le même Sylla proférer ces paroles : « Sachons enfin comment on doit sévir contre des ennemis, et par conséquent contre des citoyens qui, se détachant de la société, se sont mis en état d’hostilité contre elle. »

Au reste, comme je l’ai dit, la clémence établit entre le monarque et le tyran cette différence essentielle, que les armes dont ils sont entourés l’un et l’autre servent au premier pour maintenir la paix, et à l’autre pour comprimer, parune profonde terreur, la haine qu’il excite ; et ces bras mêmes auxquels il se confie, il ne les envisage pas sans effroi : il tourne dans un cercle vicieux, car il est haï parce qu’il est craint, et il veut se faire craindre parce qu’on le hait. 11 prend pour devise ce vers exécrable qui a perdu tant de ses pareils : Que m’importe d’être haï, pourvu que l’on me craigne ? Il ignore que la haine,