Page:Sénèque - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome III, 1860.djvu/226

Cette page n’a pas encore été corrigée

dégagé par un événement quelconque, il ne souffre pas qu’on le lui remette, ce vaste empire perdra son unité et tombera en dissolution.

Rome cessera de dominer le jour où elle cessera d’obéir. On ne doit donc pas s’étonner que les princes, les rois, et tousLeux auxquels est confié le salut de l’Etat, quelque nom qu’on leur donne, soient Pobjet d’un amour qui l’emporte sur toutes le£ affections privées. Car si les hommes sages préfèrent l’intérêt public à l’intérêt particulier, il est naturel que celui qui concentre en quelque sorte l’État en sa personne leur soit plus cher que tout le reste. L’empereur s’est tellement identifié avec larépublique, que leur séparation entraînerait leur perte commune : autant l’un a besoin de bras, autant l’autre a besoin de tête.

V. Je semble m’être éloigné de mon sujet, tandis que je l’ai au contraire directement abordé. En effet, si, comme je viens de l’établir, vous êtes l’âme de la république, et qu’elle soit votre corps, vous voyez, je pense, à quel point la clémence est nécessaire ; car c’est vous-même que vous épargnez lorsque vous paraissez épargner les autres. On doit donc conserver des citoyens, même coupables, comme on conserve des membres malades ; et si quelquefois on a besoin de tirer du sang, il faut retenir sa main, pour ne pas ouvrir la veine au delà de ce que la nécessité commande. Ainsi, comme je le disais, chez tous les hommes, la clémence est conforme au vœu de la nature ; mais c’est chez les princes surtout qu’elle est belle, parce qu’elle trouve beaucoup plu£ à conserver, et qu’elle s’exerce sur une matière plus vaste. Combien en effet est restreint le mal que