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et dont les paroles, comme les actions, n’ont d’autre but que l’intérêt personnel ; car si l’homme doit rechercher le calme et le repos, la vertu la plus appropriée à sa nature est celle qui chérit la paix et qui retient le bras prêt à frapper. Mais ceux à qui la clémence convient le mieux, ce sont les rois et les princes. Une grande autorité n’est honorable et glorieuse qu’autant qu’elle est tutélaire ; et c’est un pouvoir désastreux que celui qui n’a de force que pour nuire. La grandeur ne repose sur une base ferme et assurée, que lorsque chactm sàit qu’elle existe moins au-dessus de lui que pour lui ; lorsqu’on éprouve constamment que la sollicitude du prince veille pour le salut général et pour celui de chaque citoyen ; lorsqu’on ne fuit pas sa rencontre comme celle d’un animal dangereux qui sort de son antre, mais qu’au contraire on vole de toutes parts vers lui comme vers un astre lumineux et bienfaisant ; lorsqu’on est prêt à s’exposer au glaive de ceux qui conspirent contre ses jours, et à mourir à ses pieds si l’on ne peut le sauver qu’en se sacrifiant pour lui. Les sujets d’un tel prince veillent la nuit pour assurer son repos ; ils se pressent autour de lui pour le défendre, ils se précipitent au-devant des périls qui le menacent. Ce n’est pas sans mo£if que les peuples s’accordent à défendre leurs rois, à les aimer, et à courir partout où l’exige le salut du chef de l’empire ; et ce n’est ni par bassesse ni par un dévouement insensé que tant de milliers d’hommes bravent la mort pour un seul, que tant de morts rachètent une seule vie, et quelquefois celle d’un vieillard infirme. Ne voyez-vous pas que le corps entier obéit à l’âme, bien que le premier l’emporte par son étendue et son appa-