Page:Sénèque - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome III, 1860.djvu/217

Cette page n’a pas encore été corrigée

ARGUMENT


Le traité de la Clémence est peut-être de teus les ouvrages de Sénèque, celui dans lequel les qualités brillantes de son style sont le moins altérées par les défauts qu’on lui reproche. On y trouve rarement cette recherche ambitieuse, cette vanité, cette subtilité de pensée, dont Quintilien l’a accusé. Le traité de la Clémence est adressé par un sujet à son souverain, par un maître à son élève ; à ce double titre, l’auteur s’est trouvé en quelque sorte contraint d’adopter une marche plus grave et plus simple que dans ses autres écrits. On doit regretter qu’une grande partie de ce traité soit perdue. Il paraît qu’il avait trois livres ; le premier et le commencement du second sont seuls parvenus jusqu’à nous. Le troisième livre dans lequel Sénèque enseignait comment l’àme se forme à la clémence, devait offrir plus d’intérêt encore que les deux précédents.

Un passage de Tacite ( Annales, li*re XJU, c. i ) nous apprend comment Sénèque se trouva amené à composer son traité de la Clémence et à le dédier à Néron. On y ht (à l’occasion de la réintégration de Plautius Lateranus dans le sénat) que Néron prononçait fréquemment des discours par lesquels il s’engageait à gouverner avec clémence, et que ces discours étaient l’ouvrage de Sénèque, qui, en les composant, avait pour but, soit de prouver au public qu’il inspirait à l’empereur des sentiments louables, soit de faire parade de son talent. Le mot de clémence revenait sans cesse dans ces discours, non-seulement pour rendre la sécurité au monde, encore épouvanté des forfaits qui avaient souillé les règnes précédents, mais aussi pour satisfaire le penchant de Sénèque à censurer indirectement tout ce qui s’était fait sous le dernier de ces règnes. Or, les faits que raconte Tacite se rapportent à la première année du règne de Néron, c’est-à-dire précisément à l’époqiie où le traité de la Clémence fut composé. 11 est donc ni^urel de conjecturer que ce fut en se livrant à ces travaux politiques que Sénèque conçut l’idée d’un traité philosophique sur la vertu dont il avait tint parlé. Dans une telle situation, la dédicace de l’ouvrage à Néron était en quelque sorte obligée ; et d’ailleurs Sénèque trouvait l’occasion de lui rappeler les paroles et les actes par lesquels ;ce prince semblait promettre à Rome un avenir bientôt si cruellement démenti.

Un mot sur la traduction de l’honorable M. de Yatimesnil. Cette traduction, d’un style facile et noble, d’un ton naturel et heureux, fidèle et élégante tout à la fois, aurait pu être donnée ici telle qu’elle a paru dans la collection Panckoucke ; si nous l’avons çà et là légèrement retouchée, c’est uniquement pour nous conformer au plan que nous