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vendique les Toscans ; les Tyriens habitent l’Afrique, les Carthaginois l’Espagne ; les Grecs se sont introduits dans la Gaule, et les Gaulois dans la Grèce. Les Pyrénées n’ont pu mettre obstacle au passage des Germains. L’inconstance humaine s’est ouvert des routes inconnues et impraticables. Femmes, enfants, vieillards appesantis par l’âge, tous se faisaient traîner dans ces émigrations. Les uns, après avoir longtemps erré, ne choisirent pas le lieu de leur demeure, mais s’arrêtèrent par lassitude sur le rivage le plus voisin ; d’autres acquirent par les armes des droits sur une terre étrangère ; quelques nations, en naviguant vers des plages inconnues, furent englouties dans les flots, d’autres se fixèrent dans l’endroit où le défaut de provisions les força de rester. Toutes n’avaient pas les mêmes motifs pour quitter leur patrie et pour en chercher une autre. On a vu des peuples, après la destruction de leurs villes, échappés au fer de l’ennemi et chassés de leur territoire, se réfugier dans une contrée étrangère ; on en a vu s’éloigner d’une patrie déchirée par les séditions ; émigrer pour décharger leur pays d’une population exubérante ; fuir une terre ravagée par la peste, par de fréquents affaissements, ou par quelque autre vice insupportable d’un sol désastreux ; céder aux attraits d’une côte fertile et trop fameuse ; enfin tous se sont expatriés pour différents motifs. Il est donc bien évident qu’aucun être n’est resté dans le lieu où il avait vu la lumière. Sans cesse le genre humain se disperse ; chaque jour voit des changements sur ce globe immense. On jette les fondations de nouvelles villes ; on voit éclore de nouvelles nations à la place des anciennes, qui ont été détruites ou incorporées avec le