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Il se fît un grand silence. Chacun, étonné, émerveillé d’une forme si nouvelle, soutenaitqu’elle était sans exemple. Claude la trouva plus inique encore que nouvelle. On discuta longtemps sur le genre de la peine qu’il fallait lui infliger. Enfin il y en eut qui dirent, que si on allait ainsi perdre le jour en vaines discussions, Tantale allait périr de soif, faute de soulagement ; qu’il fallait quelque peu aider Sisyphe à soulever son fardeau ; arrêter quelque peu la roue du malheureux Ixion.

Il fut résolu de ne rien remettre de leur supplice à ces vétérans de l’enfer, de peur que Claude ne se flattât d’un semblable adoucissement. On décida ensuite qu’il fallait inventer un supplice nouveau, lui créer un travail inutile et vain qui réveillât chez lui un désir sans fin, une espérance toujours trompée. Alors Éaque ordonne que Claude jouera aux dés dans un cornet percé ; et déjà le pauvre homme avait commencé à ramasser incessamment ses dés qui fuyaient sans lui faire rien gagner.

XV. Car à peine, agitant le mobile cornet,
Aux dés prêts à partir il demande sonnet,
Que, malgré tous ses soins, entre ses doigts avides,
Du cornet défoncé, tonneau des Danaïdes,
Il sent couler les dés ; ils tombent, et souvent
Sur la table, entraîné par ses gestes rapides,’
Son bras avec effort jette un cornet de vent.
Ainsi, pour terrasser son adroit advérsaire,
Sur l’arène un athlète, enflammé de colère,
Du geste qu’il élève espère le frapper ;
L’autre gauchit, esquive, a le temps d’échapper,
Et le coup, frappant l’air avec toute sa force,
Au bras qui l’a porté donne une rude entorse.