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tiable), tu verras cette Charybde si fameuse dans les fables, sommeillant tant que l’Auster ne trouble point sa paix, mais, pour peu qu’il s’élève, engloutissant les navires dans ses béants et profonds abîmes. Tu verras cette fontaine tant célébrée par les poètes, cette Aréthuse, limpide et transparente jusqu’au fond de son canal, abondante en eaux d’une extrême fraîcheur, soit qu’elles jaillissent primitivement du lac même où elles se montrent, soit qu’elles traversent les mers par un lit souterrain, pour reparaître sans que leur volume ait décru, sans qu’une onde étrangère les ait altérées de son amertume. Tu verras le meilleur de tous les ports qu’aient formés la nature et l’art, et si sûr, que les flottes abritées y bravent, dans une paix profonde, la fureur des plus grandes tempêtes. Tu verras ce lieu où vint se briser la puissance d’Athènes, où sept mille de ses fils furent plongés dans des cachots creusés en carrière à une profondeur démesurée ; et cette cité qu’environne une ceinture de tours plus étendue que le territoire de maintes cités ; et ces tièdes hivers où pas un jour n’est sans soleil.

« Tous ces avantages bien pesés, tu auras à souffrir de longs étés malsains, qui ne compenseront que trop la douceur dès hivers. Là tu trouveras le tyran Denys, bourreau de la liberté, de la justice et des lois, que Platon ne pourra guérir de la passion du pouvoir, ni l’exil de la soif de vivre ; à sa voix les bûchers, les verges homicides vont décimer les peuples : sur les griefs les plus frivoles il te fera conduire à la mort ; les deux sexes devront fournir à ses débauches, et les victimes de ses royales orgies se prostituer, non par couples, ce serait trop peu, mais par bandes entières.