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promener d’exemple en exemple pour vous chercher des malheureux, comme si les heureux n’étaient pas plus difficiles à trouver ? Est-il bien des maisons qui aient jusqu’à la fin subsisté dans chacun de leurs membres, qui n’aient vu crouler quelqu’un de leurs supports ? Prenez quelle année, quels consuls vous voudrez ; interrogez M. Bibulus et C. César : vous verrez deux collègues divisés par la haine, égaux par le malheur. Bibulus, homme plus honnête qu’énergique, eut deux fils assassinés à la fois après qu’ils eurent assouvi la brutalité des hordes égyptiennes, pour qu’il n’eût pas moins à gémir sur la fin des victimes que sur l’indignité des bourreaux. Ce Bibulus pourtant, qui, toute l’année de son consulat, pour rendre odieux son collègue, s’était tenu caché dans sa maison, en sortit le lendemain du jour où il apprit ce double malheur et voulut remplir ses fonctions ordinaires d’homme public. Pouvait-il à deux fils donner moins d’un jour ? Là finirent les larmes d’un père qui avait pleuré un an son consulat.

César parcourait la Bretagne, et l’Océan ne pouvait plus arrêter sa fortune, lorsqu’il apprit la mort de sa fille, qui emportait dans son tombeau la paix du monde ! Il voyait déjà que Pompée se révoltait d’avoir dans Rome un rival aussi grand que lui, et voudrait enchaîner des victoires importunes à ses yeux, bien qu’elles ne tournassent qu’à la grandeur de l’empire ; et toutefois, trois jours après, César reprit tous les soins du commandement, et vainquit sa douleur aussi promptement que ses autres ennemis.

XV. Vous citerai-je encore d’autres morts de la famille des Césars, que la fortune, ce me semble, ne frappe si souvent que