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a une durée limitée. On peut tolérer un accès de folie par an. Mais entre au Capitole : tu rougiras de cette démence qui se donne en spectacle, de ces visionnaires qui s’imposent de ridicules offices. L’un nomme à Jupiter les dieux qui le viennent saluer, l’autre lui annonce l’heure qu’il est ; ici est son appariteur ; là son parfumeur, dont la pantomime simule tous les mouvements de celui qui frotte les baigneurs. Des femmes font mine d’arranger la chevelure de Junon ou de Minerve ; et debout, loin de la statue et même du sanctuaire, remuent les doigts à l’instar des coiffeuses ; d’autres tiennent le miroir ; quelques-unes prient les dieux de leur servir d’assistants dans une cause, ou bien leur présentent requête et les mettent au courant de l’affaire. Docimus l’archimime, vieux et décrépit, jouait tous les jours ses rôles au Capitole, comme si les dieux voyaient avec plaisir celui que les hommes s’étaient lassés de voir. Des artisans de tout genre, sans emploi, sont là qui travaillent pour les immortels… Toutefois, si leurs services sont stériles, ces gens-là n’en offrent pas de vils ni d’infâmes. Mais on voit des femmes assises dans le Capitole qui se figurent Jupiter amoureux d’elles, sans que Junon, si terriblement jalouse, à en croire les poètes, leur impose nullement. Quant aux cérémonies religieuses, Sénèque dit : Toutes ces observances, le sage les suivra comme étant prescrites par les lois, non comme agréables aux dieux… Que dire des mariages que nous faisons contracter aux dieux, au mépris même des liens du sang, entre frère et sœur par exemple ? Nous unissons Bellone à Mars, Vénus à Vulcain, Salacie à Neptune. Toutefois nous en laissons dans le célibat ; ils n’ont pu sans doute trouver un parti ; et pourtant les veuves ne manquent pas, comme la déesse Ravage, la déesse Foudre, et la divine Rumina : mais celles-là, je ne m’étonne pas qu’on ne les ait point recherchées. Toute cette ignoble cohue de divinités qu’un long âge et une longue superstition n’ont cessé de grossir, il la faut respecter en ce sens, que tel est le culte de l’usage plutôt que de la vérité.

En parlant de l’observation du sabbat par les juifs, Sénèque ajoute : Et pourtant cette coutume d’une race exécrée a si bien prévalu, qu’elle est déjà reçue par toute la terre : les vaincus ont donné leurs lois aux vainqueurs… Certains juifs connaissent les raisons de leurs rites ; mais la majeure partie de la nation fait tout cela sans savoir pourquoi elle le fait. (Saint Augustin, Cité de Dieu, liv. VI, ch. X et XI.)

XXVII. Non loin de Syène, à l’extrémité de l’Égypte, est un