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LIVRE VII.

ou comme il y a indice de gros temps quand l’oiseau des mers,

Quand la foulque sautille et joue au bord des flots ; Ou lorsque le héron, les ailes étendues, De ses marais s’élance et se perd dans les nues[1].


C’est un pronostic général, comme l’est celui de l’équinoxe, qui vient changer la température en chaud ou en froid ; comme ce que les Chaldéens prédisent de la bonne ou mauvaise étoile sous laquelle on naît. Cela est si vrai, que ce n’est pas pour le moment même qu’une comète annonce les vents et la pluie, comme l’ajoute Aristote ; c’est l’année entière qu’elle rend suspecte. Évidemment donc, les pronostics de la comète ne lui viennent pas d’éléments voisins d’elle et pour un temps immédiat ; elle les tire de plus loin ; ils tiennent aux lois mystérieuses du ciel. Celle qui apparut sous le consulat de Paterculus et de Vopiscus réalisa ce qu’en avaient prédit Aristote et Théophraste : partout régnèrent de violentes et continuelles tempêtes ; et, en Achaïe comme en Macédoine, des villes furent renversées par des tremblements de terre. La lenteur des comètes, au dire d’Aristote, prouve leur pesanteur et décèle en elles beaucoup de parties terrestres ; leur marche aussi le prouve ; car elles sont poussées presque toujours vers les pôles.

XXIX. Ces deux arguments sont faux. Réfutons d’abord le premier. La lenteur de la marche serait une preuve de pesanteur ! Et pourquoi ? Saturne, celle de toutes les planètes qui achève le plus lentement sa carrière, est donc la plus pesante. Or, ce qui prouve sa légèreté, c’est qu’elle est plus élevée que toutes les autres. Mais, diras-tu, elle décrit un plus grand cercle ; sa vitesse n’est pas moindre, mais sa course est plus longue. Songe que j’en puis dire autant des comètes, quand même leur marche serait plus lente, ce qui est contraire à la vérité. La dernière comète a parcouru en six mois la moitié du ciel ; la précédente, en moins de temps, avait disparu. « Mais elles sont pesantes, puisqu’elles descendent. » D’abord, ce n’est point descendre que se mouvoir circulairement ; ensuite la dernière comète, partie du nord, s’est avancée par l’occident vers le midi, et c’est à force de s’élever qu’elle s’est dérobée à nos yeux. L’autre, la Claudienne, d’abord vue au septentrion, ne cessa de monter toujours plus perpendiculaire, tant qu’on ne la

  1. Géorg., I, 363. Trad. de Delille modifiée.