Page:Sénèque - Œuvres complètes, trad. Baillard, tome II.djvu/615

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
605
LIVRE VII.

clat qu’il aurait plus de violence. À quoi j’ajoute encore que le vent agit, sur plusieurs points de l’atmosphère, et que les comètes ne se montrent qu’en une seule région ; à une certaine élévation le vent n’arrive plus, et l’on voit des comètes bien plus haut que les vents ne peuvent monter. Épigène passe ensuite à l’espèce de comètes qui, dit-il, ressemblent plus spécialement aux étoiles, qui ont un mouvement et dépassent la ligne des constellations. Il leur attribue la même origine qu’à ses comètes inférieures, à cela près que la masse d’exhalaisons terrestres qu’elles portent en elles, et qui sont sèches, tend à s’élever vers les régions supérieures du ciel où l’aquilon les pousse. Mais si l’aquilon les poussait, elles iraient toujours vers le midi, qui est la direction de ce vent. Or, leurs tendances sont diverses, à l’orient pour les unes, au couchant pour les autres ; toutes suivent une courbe que le vent ne leur imprimerait pas. Enfin, si c’était l’aquilon qui les fît monter de la terre dans les cieux, les comètes ne se lèveraient jamais par d’autres vents ; ce qui pourtant a lieu.

VIII. Réfutons maintenant la seconde raison dont Épigène s’appuie : car il en donne deux. « Tout ce que la terre exhale de sec et d’humide doit, une fois réuni, par l’incompatibilité même des principes, rouler l’air en tourbillon. Ce vent fougueux, mû circulairement, enflamme tout ce qu’il ramasse dans sa course et le porte au plus haut des airs. L’éclat du feu qu’il fait jaillir dure autant que ce feu peut s’alimenter, et tombe dès qu’il ne le peut plus. » Raisonner ainsi, ce n’est pas voir combien la marche des tourbillons diffère de celle des comètes. Les tourbillons, dans leur rapide violence, sont plus impétueux que les vents mêmes ; les comètes se meuvent tranquillement, et ce qu’elles traversent d’espace en un jour et une nuit n’est point appréciable. D’ailleurs, la marche du tourbillon est vagabonde, pleine d’écarts ; selon le mot de Salluste, c’est comme un tournant d’eau ; la comète va régulièrement et suit une route déterminée. Qui pourrait croire que la lune, que les cinq planètes soient entraînées par le vent, ou roulées par un tourbillon ? Personne, je pense. Pourquoi ? parce qu’elles ne sont pas désordonnées, emportées dans leur cours. Disons la même chose des comètes. Rien de confus ni de tumultueux dans leur allure, rien qui fasse augurer qu’elles obéissent à des éléments de trouble et à des mobiles inconstants. Et puis, quand ces tourbillons seraient assez forts pour s’emparer des émanations humides et terrestres et les lancer de si bas à de telles hau-