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LIVRE VI.

d’une fois, et la fameuse Nicopolis, pour qui c’était un fléau familier. Cypre, qu’environne une mer profonde, n’en est pas exempte, non plus que Tyr elle-même, quoique baignée par les flots. Telles sont à peu près toutes les causes que l’on assigne aux tremblements de terre.

XXVII. Cependant on cite, du désastre de la Campanie, certaines particularités dont il faut rendre raison. Un troupeau de six cents moutons a, dit-on, péri sur le territoire de Pompeï. Il ne faut pas croire que ces animaux soient morts de peur. Nous avons dit qu’ordinairement les grands tremblements de terre sont suivis d’une sorte de peste, ce qui n’est pas étonnant, car le sein de la terre recèle plus d’un principe de mort. D’ailleurs l’air même, qui s’y corrompt, soit par les miasmes de la terre, soit par sa propre stagnation dans ces éternelles ténèbres où il dort, est funeste aux êtres qui le respirent ; ou, vicié par l’action délétère des feux intérieurs, après qu’il a croupi longtemps, il vient souiller et dénaturer notre pure et limpide atmosphère, et le fluide inaccoutumé qu’on respire alors nous apporte des maladies d’une espèce nouvelle. Et puis, l’intérieur de la terre renferme aussi des eaux dangereuses et pestilentielles, parce que jamais aucun mouvement ne les agite, et que l’air libre ne les bat jamais. Épaissies par le brouillard pesant et continuel qui les couvre, il n’en sort que des molécules empoisonnées et insalubres pour l’homme. L’air aussi qui s’y trouve mêlé et que ces marais tiennent captif ne s’en échappe pas sans répandre au loin son poison et sans tuer ceux qui boivent de ces eaux. Les troupeaux, naturellement sujets aux épidémies, sont atteints d’autant plus vite, qu’ils sont plus avides ; ils vivent bien plus que nous à ciel ouvert et font un fréquent usage de l’eau, ce principal agent de la contagion. Les moutons, dont la constitution est plus délicate et qui ont la tête plus voisine du sol, ont dû être atteints à l’instant ; et la chose est simple : ils respiraient l’exhalaison presque à son foyer. Elle eût été fatale à l’homme même, si elle fût sortie avec plus d’abondance ; mais la grande masse d’air pur. dut la neutraliser, avant qu’elle s’élevât à portée de la respiration humaine.

XXVIII. Que la terre renferme beaucoup de principes mortels, c’est ce que prouve la multitude de poisons nés, sans qu’on les sème, spontanément ; car elle a en elle les germes des plantes nuisibles comme des plantes utiles. Et sur plusieurs points de l’Italie ne s’exhale-t-il pas, par certaines ouvertures,