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LIVRE VI.

dans les veines, ou glacé par le froid, ou dérangé dans son cours aux approches de la fièvre. Tant qu’il circule sans accident, et suit sa marche ordinaire, le corps ne tremble point ; mais si une cause quelconque vient embarrasser ses fonctions, il ne suffit plus à soutenir ce qu’il maintenait par sa vigueur ; il rompt, en fléchissant, tout son équilibre normal.

XIX. Écoutons, il le faut bien, ce que Métrodore de Chio énonce comme un arrêt. Car je ne me permets pas d’omettre même les opinions que je n’admets point : il est plus sage de les exposer toutes, et mieux vaut condamner ce qu’on désapprouve que de n’en point parler. Or, que dit-il ? « Que tout comme la voix d’un chanteur enfermé dans un tonneau en parcourt la totalité, en fait vibrer et résonner les parois, et quoique poussée légèrement, ne laisse pas, par sa circonvolution, d’ébranler avec frémissement le vaisseau où elle est captive ; ainsi les spacieuses cavernes qui s’enfoncent sous le sol contiennent de l’air qui, frappé par l’air supérieur, les ébranle de même que ces vaisseaux dont je viens de parler et dont la voix d’un chanteur fait résonner les vides. »

XX. Venons à ceux qui admettent toutes les causes ci-dessus énoncées, ou du moins plusieurs d’entre elles. Démocrite en admet plusieurs. Il dit : « que les tremblements de terre sont dus quelquefois à l’air, quelquefois à l’eau, quelquefois à tous deux ; » et il explique ainsi son idée : « Il y a dans la terre des cavités où affluent de grandes masses d’eaux ; de ces eaux, les unes sont plus légères, plus fluides que les autres ; repoussées par la chute de quelque corps pesant, elles vont heurter la terre et l’agitent. Car cette fluctuation des eaux ne peut avoir lieu sans un mouvement du corps frappé. Ce que nous disions tout à l’heure de l’air doit se dire pareillement de l’eau accumulée en un lieu trop étroit pour la contenir : elle pèse sur quelque point, et s’ouvre une route tant par son poids que par son impétuosité ; longtemps captive, elle ne peut trouver d’issue que par une pente, ni tomber directement sans une certaine force ou sans ébranlement des parties à travers lesquelles et sur lesquelles elle tombe. Mais si, lorsqu’elle commence à fuir, un embarras l’arrête, replie ce courant sur lui-même, elle rebrousse vers la terre qui s’avance à l'encontre, et donne une secousse aux saillies les plus avancées. Parfois aussi la terre pénétrée par l’eau s’affaisse profondément, et sa base même est minée ; alors une pression plus forte s’exerce sur le côté où le poids des eaux se fait le plus sentir. D’autres fois c’est