Page:Sénèque - Œuvres complètes, trad. Baillard, tome II.djvu/572

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
562
QUESTIONS NATURELLES.

et qui viennent des fleuves, des vallées, ou des golfes. Tous ces vents n’ont point de persistance, ils tombent dès que le soleil a pris de la force, et en mer ne vont pas jusqu’où la terre cesse d’être en vue. Ces sortes de vents commencent au printemps et ne durent pas au delà de l’été ; ils viennent surtout des lieux où il y a beaucoup d’eau et beaucoup de montagnes. Bien que l’eau abonde dans les pays de plaine, ils manquent d’air, je dis de cet air qui peut s’appeler vent.

VIII. Comment donc se forme ce vent que les Grecs nomment Encolpias ? Toutes les exhalaisons des marais et des fleuves (et elles sont aussi abondantes que continues) alimentent le soleil pendant le jour ; la nuit, elles cessent d’être pompées ; et renfermées dans les montagnes, elles se concentrent sur le même point. Quand l’espace est rempli et ne peut plus les contenir, elles s’échappent par où elles peuvent, et se portent toutes du même côté ; de là naît le vent. Le vent fait donc effort où il trouve une issue plus libre et une capacité plus grande pour recevoir tout cet amas de vapeurs. La preuve de ce fait, c’est que, durant la première partie de la nuit, il n’y a pas de vent, parce que c’est alors que commencent à s’entasser ces vapeurs qui regorgent déjà vers le point du jour, et cherchent un écoulement pour se décharger ; elles se portent du côté où s’offre le plus de vides et où s’ouvre un champ vaste et libre. Le soleil levant les stimule encore davantage en frappant cette atmosphère froide. Car, avant même qu’il paraisse, sa lumière agit déjà ; ses rayons n’ont pas encore fouetté l’air, que déjà il le harcèle et l’irrite, par cette lumière qu’il envoie devant soi. Mais quand il se montre lui-même, il attire en haut une partie de ces émanations, et dissout l’autre par sa chaleur. Aussi ces courants d’air ne sauraient-ils durer plus tard que l’aurore ; toute leur force tombe en présence du soleil ; les plus violents s’alanguissent vers le milieu du jour, et jamais ne se prolongent au delà de midi. Les autres sont plus faibles, moins continus, et en raison des causes plus ou moins puissantes qui les engendrent.

IX. Pourquoi les vents de cette espèce ont-ils plus de force au printemps et en été ? car ils sont très-faibles le reste de l’année et ne vont pas jusqu’à enfler les voiles. C’est que le printemps est une saison humide, et que la grande quantité des eaux et des lieux que sature et arrose l’humidité naturelle de l’atmosphère augmente les évaporations. Mais pourquoi soufflent-ils de même l’été ? Parce qu’après le coucher du soleil