Page:Sénèque - Œuvres complètes, trad. Baillard, tome II.djvu/569

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
559
LIVRE IV.

LIVRE V.

Ce que c’est que le vent. Diverses sortes de vents. Leurs avantages. Comment l’homme en a fait des instruments de malheurs.

I. Le vent est un écoulement d’air. Selon quelques-uns, c’est l’air qui prend cours sur un point. Cette définition semble plus exacte, parce que l’air n’est jamais tellement immobile qu’il n’éprouve quelque agitation. Ainsi l’on dit que la mer est tranquille, quand elle n’est que légèrement émue et qu’elle ne se porte pas tout d’un côté. Lors donc que tu liras :

Quand la mer et les vents sommeillaient…[1],


dis-toi bien qu’il n’y a pas là immobilité, mais faible soulèvement ; que l'on nomme calme l’état d’une mer qui ne se meut pas plus fort dans un sens que dans l’autre. Il faut en dire autant de l’air, qui n’est jamais sans mouvement, fût-il même paisible ; et tu vas le concevoir. Quand le soleil s’insinue dans quelque lieu fermé, nous voyons de minimes corpuscules voler à sa rencontre, monter, descendre, s’entre-choquer de mille manières. Ce serait donc donner une définition incomplète que de dire : « Les flots sont une agitation de la mer, » car cette agitation existe même lorsque la mer est tranquille. Pour éviter toute surprise, il faut dire : « Les flots sont une agitation de la mer poussée en un sens. » De même, dans la question actuelle, on échappe aux contradicteurs, si l’on dit : « Le vent est un air qui prend cours vers un point ; ou un cours d’air impétueux, ou un effort de l’air vers un seul côté, ou un de ses élans plus fort que de coutume. » Je sais ce qu’on peut répondre à propos de la première définition : qu’est-il besoin d’ajouter que c’est vers un point qu’il prend cours ? Nécessairement ce qui court, court vers un point quelconque. Nul ne dit que l’eau court, quand elle se meut sur elle-même ; c’est quand elle se porte quelque part. Il peut donc y avoir mouvement, sans qu’il y ait cours ; et en revanche, il ne peut y avoir cours qui ne tende quelque

  1. Virg., Églog., II, 26.