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LIVRE IV.

l’on voit par intervalles tomber de rares et faibles gouttes mêlées de neige. Nous appelons temps neigeux les jours où le froid est intense et le ciel sombre. D’ailleurs, quand l’aquilon souffle et règne dans l’atmosphère, il ne tombe que de fines pluies ; par le vent du midi elles sont plus obstinées et les gouttes plus grosses.

V. Voici une assertion de nos stoïciens que je n’ose ni citer, parce qu’elle me semble peu soutenable, ni laisser de côté. Car où est le mal d’en toucher quelque chose à un juge indulgent comme toi ? Et certes, vouloir éprouver à la coupelle tous les arguments, serait condamner les gens au silence. Il est si peu d’opinions sans contradicteur ! Celles même qui triomphent ont dû plaider. Les stoïciens disent que tout ce qu’il y a de glaces accumulées vers la Scythie, le Pont et les plages septentrionales se fond au printemps ; qu’alors les fleuves gelés reprennent leur cours, et que les neiges descendent en eau des montagnes. Il est donc à croire que de là parlent des courants d’air froid qui se mêlent à l’atmosphère du printemps. Ils ajoutent à cela une chose dont je n’ai fait, ni ne songe à faire l’expérience. M’est avis que toi aussi tu te gardes, en voulant t’assurer de la vérité, d’expérimenter dans la neige. Ils disent que les pieds se refroidissent moins à fouler une neige ferme et durcie, qu’une neige ramollie par le dégel. Donc, s’ils ne mentent pas, tout le froid produit dans les régions du nord par la neige en dissolution et les glaçons qui se brisent, vient saisir et condenser l’air tiède et déjà humide des contrées du midi. Voilà comment ce qui devait être pluie devient grêle sous l’influence du froid.

VI. Je ne puis me défendre de t’exposer toutes les folies de nos amis. N’affirment-ils pas que certains observateurs savent prédire, d’après les nuages, quand il y aura grêle, et qu’ils ont pu l’apprendre par l’expérience, en remarquant la couleur de ceux qui étaient toujours suivis de grêle ? Un fait incroyable, c’est qu’à Cléone il y avait des préposés publics, chalazophylaques ou pronostiqueurs de la grêle. Au signal qu’ils donnaient de l’approche du fléau, que penses-tu que faisaient les gens ? qu’ils couraient aux manteaux, aux couvertures ? Non : chacun, selon ses moyens, immolait soit un agneau, soit un poulet ; et vite, ayant goûté quelque peu de sang la nuée glissait plus loin. Tu ris ? Écoute : tu vas rire plus encore. N’avait-on ni agneau, ni poulet : sans risquer de se faire grand mal, on portait la main sur soi-même. Et ne crois pas que les nuages