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LIVRE IV.

forte chaleur et un sol altéré l’appellent. Or, d’où est-elle tirée ? Des points où règne un éternel hiver, du septentrion, où elle surabonde. C’est pourquoi le Pont Euxin se décharge incessamment dans la Mer Inférieure avec tant de rapidité, non pas, comme les autres mers, par flux et reflux, mais par une pente toujours la même, et comme un torrent. Si elle ne suivait cette route, et par là ne rendait à telle partie ce qui lui manque, et ne soulageait telle autre de ce qu’elle a de trop, dès longtemps tout serait ou desséché ou inondé. Je voudrais demander à Diogène pourquoi, quand la mer et tous ses affluents passent les uns dans les autres, les fleuves ne sont pas partout plus grands en été ? Le soleil alors brûle l’Égypte avec plus de force ; voilà pourquoi le Nil s’élève. Mais ailleurs aussi les rivières grossissent quelque peu. Ensuite, pourquoi y a-t-il des contrées privées d’eau, puisque toutes l’attirent des autres contrées, et l’attirent d’autant plus qu’elles sont plus échauffées ? Enfin, pourquoi l’eau du Nil est-elle douce, si elle vient de la mer ? Car il n’en est point de plus douce au goût que celle de ce fleuve.

III. Si je t’affirmais que la grêle se forme dans l’air, de même que la glace parmi nous, par la congélation d’une nuée entière, ce serait par trop de témérité. Range-moi donc dans la classe de ces témoins secondaires qui disent : « Je ne l’ai pas vu, certes, mais je l’ai ouï dire. » Ou encore, je ferai ce que font les historiens : ceux-ci, quand ils ont, sur nombre de faits, menti tout à leur aise, en citent quelqu’un dont ils ne répondent pas, et dont ils laissent à leurs auteurs la responsabilité. Si donc tu es disposé à me croire, Posidonius s’offre pour garant tant de ce que j’ai dit ci-dessus que de ce qui va suivre. Il affirmera, comme s’il y eût été, que la grêle provient de nuées pleines d’eau, ou même déjà changées en eau. Pourquoi les grêlons sont-ils de forme ronde ? Tu peux le savoir sans maître, si tu observes qu’une goutte d’eau s’arrondit toujours sur elle-même. Cela se voit sur les miroirs qui retiennent l’humidité de l’haleine, sur les vases mouillés, et sur toute surface polie. Vois même les feuilles des arbres, les herbes, où les gouttes qui s’y arrêtent demeurent en globules.

Quoi de plus dur qu’un roc ? quoi de plus mou que l’onde
Qui laisse au dur rocher une empreinte profonde[1] ?

  1. Ovide, Art d’aimer, I, 476.