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LIVRE IV.

pas. L’Auster, qui souffle de ce point, est le plus chaud des vents. Les animaux qui se cachent au froid ne disparaissent là en aucun temps. Même en hiver, le serpent reste à la surface du sol, en plein air. À Alexandrie, déjà fort éloignée de ces excessives chaleurs, il ne tombe pas de neige ; plus haut on ne voit point de pluie. Comment donc une contrée où régnent de si grandes chaleurs aurait-elle des neiges qui durassent tout l’été ? S’y trouvât-il même des montagnes pour les recevoir, elles n’en recevraient jamais plus que le Caucase ou les montagnes de Thrace. Or, les fleuves de ces montagnes grossissent au printemps et au début de l’été, mais bientôt baissent au-dessous du niveau d’hiver. En effet, les pluies du printemps commencent la fonte des neiges, que les premières chaleurs achèvent de faire disparaître. Ni le Rhin, ni le Rhône, ni le Danube, ni le Caystre, ne sont sujets à cet inconvénient, ni ne grossissent l’été, quoiqu’il y ait de très-hautes neiges sur les cimes du septentrion. Le Phase et le Borysthène auraient aussi leurs crues d’été, si, malgré les chaleurs, les neiges pouvaient grossir leur cours. Et puis, si telle était la cause des crues du Nil, c’est au commencement de l’été qu’il coulerait à plein canal ; car alors les neiges sont des plus abondantes et encore entières, et c’est la couche la moins dure qui fond. La crue du Nil dure quatre mois, gardant toujours le même niveau. À en croire Thalès, les vents étésiens repoussent le Nil à sa descente dans la mer, et suspendent son cours en poussant la mer contre ses embouchures. Ainsi refoulé, il revient sur lui-même, sans pour cela grossir ; mais l’issue lui étant barrée, il s’arrête, et bientôt, partout où il le peut, force le passage qui lui est refusé. Euthymène, de Marseille, en parle comme témoin : « J’ai navigué, dit-il, sur la mer Atlantique. Elle cause le débordement du Nil, tant que les vents étésiens se soutiennent ; car c’est leur souffle qui alors pousse cette mer hors de son lit. Dès qu’ils tombent, la mer aussi redevient calme, et le Nil à sa descente déploie moins de puissance. Du reste, l’eau de cette mer est douce, et nourrit des animaux semblables à ceux du Nil. » Mais pourquoi, si les vents étésiens font gonfler le Nil, la crue commence-t-elle avant la saison de ces vents, et dure-t-elle encore après ? D’ailleurs le fleuve ne grossit pas à mesure qu’ils soufflent plus violemment. Son plus ou moins de fougue n’est point réglé sur celle des vents étésiens, ce qui aurait lieu, si leur action le faisait hausser. Et puis ils battent la côte égyptienne, le Nil descend à leur en-