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LIVRE III.

Le premier de ces signes régit le solstice d’hiver ; l’autre, le solstice d’été. Leur influence à tous deux est grande, puisqu’ils déterminent les deux principaux changements de l’année. » J’admets aussi cette double cause ; car il en est plus d’une à un tel événement ; mais je crois devoir y ajouter celle que les stoïciens font intervenir dans la conflagration du monde. Que l’univers soit une âme, ou un corps gouverné par la nature, comme les arbres et les plantes, tout ce qu’il doit opérer ou subir, de son premier à son dernier jour, entre dans sa constitution, comme en un germe est enfermé tout le futur développement de l’homme8. Le principe de la barbe et des cheveux blancs se trouve chez l’enfant qui n’est pas né encore ; il y a là en petit l’invisible ébauche de l’homme complet et de ses âges successifs. Ainsi le monde naissant portait en soi, outre le soleil, et la lune, et les révolutions des astres, et la reproduction des animaux, le principe de tous les changements terrestres et aussi de ce déluge qui, de même que l’hiver et l’été, est appelé par la loi de l’univers. Il aura donc lieu non par les pluies seulement, mais aussi par les pluies ; non par l’irruption de la mer, mais entre autres causes par cette irruption ; non par une commotion du globe, mais par cette commotion aussi. Tout viendra en aide à la nature, pour que les décrets de cette nature s’accomplissent. Mais la plus puissante cause de submersion sera fournie par la terre contre elle-même ; la terre, avons-nous dit, est transmuable et se résout en eau. Lors donc qu’aura lui le jour suprême de l’humanité, que les parties de ce grand tout devront se dissoudre ou s’anéantir complètement pour renaître complètes, neuves, purifiées de telle sorte qu’il ne reste plus aucune influence corruptrice, il se formera plus d’eau qu’on n’en aura vu jusqu’alors. Aujourd’hui les éléments sont répartis dans leur légitime proportion. Il faut que l’un d’eux se trouve en excès, pour que l’équilibre du monde soit troublé. C’est l'eau qui sera en excès ; maintenant elle ne peut qu’envelopper la terre, non la submerger. Tout accroissement devra donc la pousser à un envahissement. La terre donnera donc juste à l’élément liquide[1] de quoi la faire elle-même céder à plus fort qu’elle. Elle commencera par s’amollir, puis se détrempera, se délayera et ne cessera de couler sous forme liquide. Alors bondiront, sous

  1. Texte altéré. Gronovius : Undare ergo terra debet. Je lirais : Unda ergo et terra non minus dabit. Lemaire : debet.