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LIVRE II.

moins de force pour former l’éclair que pour engendrer la foudre. Tout à l’heure nous avons reconnu à quel haut degré de chaleur certains corps s’élèvent au moyen du frottement. Or, lorsque l’air, qui peut se convertir en feu, agit sur lui-même de toute sa force par le frottement, on peut admettre avec vraisemblance qu’il en jaillisse une flamme passagère et prompte à s’évaporer, comme ne sortant pas d’une matière solide où elle puisse prendre consistance. Elle ne fait donc que passer, elle n’a de durée que celle du trajet qu’elle parcourt, jetée dans l’espace sans aliments.

XXIV. On me demandera comment, lorsque nous attribuons au feu une tendance vers les régions supérieures, la foudre néanmoins se dirige vers la terre. Y a-t-il erreur dans notre énoncé ? On voit en effet le feu monter aussi bien que descendre. — Ces deux mouvements sont possibles : car le feu naturellement surgit en pyramide, et sauf obstacle, il tend à monter, comme naturellement aussi l’eau se porte en bas ; si pourtant une force étrangère intervient qui la refoule en sens contraire, elle s’élève vers le lieu même d’où elle est tombée en pluie. Ce qui fait que la foudre tombe, c’est la même puissance irrésistible qui l’a lancée. Le feu éprouve alors ce qui arrive aux arbres dont la cime encore souple peut être courbée jusqu’à toucher le sol, mais laissée à elle-même, reprend sa place tout d’un élan. Il ne faut pas considérer les choses dans un état contraire au vœu de leur nature. Laisse au feu sa direction libre, il regagnera le ciel, séjour des corps les plus légers ; si quelque chose vient à l’entraîner et à faire dévier son essor, il ne suit plus sa nature, il devient passif.

XXV. «Vous dites, objecte-t-on encore, que le frottement des nuées produit la flamme, lorsqu’elles sont humides ou même chargées d’eau : mais comment la flamme peut-elle se développer dans ces nuées, qui semblent aussi incapables que l’eau même de la produire ? »

XXVI. La flamme naît dans les nuages[1] qui d’abord ne sont pas de l’eau, mais un air condensé, disposé à former de l’eau ; la transformation n’est pas faite, mais elle est prochaine et toute prête. Il ne faut pas croire que l’eau se rassemble dans les nuages pour s’en épancher ensuite ; sa formation, sa chute sont simultanées. Et puis quand j’accorderais qu’un nuage est

  1. Je lis avec un Mss. Fickert : Ex nube nascitur. Lemaire Ignis qui nas