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LIVRE II.

le tonnerre, et dans sa lutte contre les nuages qui l’arrêtent et qu’il brise, allume l’incendie par sa fuite même.

XVIII. Anaximandre attribue tout au vent. « Le tonnerre, dit-il, est le son produit par le choc d’un nuage. Pourquoi ce son est-il plus ou moins fort ? Parce que le choc a plus ou moins de force. Pourquoi tonne-t-il même par un ciel serein ? Parce qu’alors aussi le vent traverse l’air, qu’il agite et déchire. Mais pourquoi tonne-t-il quelquefois sans éclair ? C’est que le vent, trop ténu et trop faible pour produire la flamme, a pu du moins produire le son. Qu’est-ce donc proprement que l’éclair ? Un ébranlement de l’air qui se sépare, qui s’affaisse sur lui-même et ouvre les voies à une flamme peu active qui ne serait pas sortie toute seule. Qu’est-ce que la foudre ? le brusque élan d’un vent plus vif et plus dense. »

XIX. Anaxagore prétend et que tout s’opère ainsi, quand l’éther envoie quelque principe actif dans les régions inférieures ; qu’alors le feu étant poussé contre un nuage froid, on entend le tonnerre. S’il déchire la nue, l’éclair brille ; du plus ou moins d’énergie de ce feu naît la foudre ou l’éclair. »

XX. Selon Diogène d’Apollonie, « certains tonnerres se forment du feu, d’autres sont dus au vent. Ceux qui naissent du feu le feu les précède et les annonce ; le vent produit ceux qui retentissent sans trace de flamme. » J’accorde que l’un des deux phénomènes peut avoir lieu sans l’autre, sans pourtant qu’il y ait deux forces distinctes, l’une et l’autre pouvant produire les mêmes effets. Car qui niera qu’une impulsion violente de l’air puisse produire la flamme comme elle produit le son ? Qui ne conviendra en outre que le feu quelquefois, tout en brisant les nuages, peut ne pas en jaillir, si, quand il en a déchiré quelques-uns, un trop grand amas d’autres nues vient à l’étouffer ? Ainsi alors le feu se dissipe sous forme de vent, et perd l’éclat qui le décèle, tandis qu’il enflamme ce qu’il a pu rompre dans l’intérieur de sa prison. Ajoute que, nécessairement, la foudre dans son essor chasse l’air devant elle, et que le vent la précède et la suit, quand elle fend l’air avec tant de violence. Voilà pourquoi tous les corps, avant d’être atteints par la foudre, sont ébranlés par la vibration du vent que le feu pousse devant lui.

XXI. Congédions ici nos guides, et commençons à marcher par nous-mêmes, à passer des faits avoués aux faits problématiques. Or, qu’y a-t-il d’avoué ? Que la foudre est du feu aussi bien que l’éclair, lequel n’est autre chose qu’une flamme qui