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LIVRE II.

les nuages voisins ; et cette percussion produit un bruit analogue à celui de la flamme qui pétille dans nos foyers en dévorant du bois trop vert. Dans le bois vert, les bulles d’un air chargé de principes humides crèvent par l’action de la flamme ; dans l’atmosphère, les vapeurs qui s’élancent, comme je viens de le dire, des nuages comprimés, vont frapper d’autres nuages, et ne sauraient faire explosion ni jaillir sans bruit. Le bruit diffère selon la différence du choc. Pourquoi ? parce que les nuages sont plus larges de flancs les uns que les autres. Du reste, c’est l’explosion des vapeurs comprimées qui est le feu : on l’appelle éclair ; il est plus ou moins vif, et s’embrase par un choc léger. Nous voyons l’éclair avant d’entendre le son, parce que le sens de la vue, plus prompt, devance de beaucoup celui de l’ouïe.

XIII. Quant à l’opinion de ceux qui veulent que le feu soit en dépôt dans les nuages, beaucoup de raisons en prouvent la fausseté. Si ce feu tombe du ciel, comment n’en tombe-t-il pas tous les jours, puisque la température y est constamment embrasée ? D’ailleurs les partisans de cette opinion n’expliquent pas la chute du feu qui tend par sa nature à monter. Car ce feu éthéré est bien différent de celui que nous allumons, d’où il tombe des étincelles dont le poids peut être apprécié. Aussi, ces étincelles ne descendent pas ; elles sont entraînées et précipitées. Rien de semblable n’a lieu dans ce feu si pur de l’éther : il ne contient rien qui le porte en bas ; s’il s’en détachait la moindre parcelle, le tout serait en péril ; car ce qui tombe en détail peut bien aussi crouler en masse. Et puis, cet élément, que sa légèreté empêche tous les jours de tomber, comment, s’il recelait des particules pesantes, eût-il pu séjourner à cette hauteur d’où il devait naturellement tomber ? « Mais quoi ! ne voit-on pas tous les jours des feux se porter en bas, ne fût-ce que la foudre même dont il est ici question ? » J’en conviens ; mais c’est que ces feux, ne se meuvent pas d’eux-mêmes ; ils sont emportés. La puissance qui les entraîne n’est point dans l’éther : car là, point de violence qui comprime ou qui brise ; rien d’inaccoutumé ne s’y produit. C’est le règne de l’ordre ; et ce feu épuré, posté comme gardien aux extrêmes frontières du ciel, circule magnifiquement autour de l’univers en marche : il ne saurait descendre ni être chassé par une force étrangère, parce que l’éther n’a place pour aucun corps hétérogène ; ce qui est ordre et fixité n’admet point la lutte.

XIV. On objecte que nous disons, pour expliquer la forma-