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QUESTIONS NATURELLES.

désordre ne sont que partiels. Les causes de ces changements et de cette inconstance sont dues quelquefois à la terre, dont les diverses positions influent puissamment sur la température de l’air ; quelquefois au cours des astres, et au soleil plus qu’à tout autre ; car il règle les saisons, et amène, par sa proximité ou son éloignement, les hivers et les étés. Après le soleil, c’est la lune qui a le plus d’influence. De leur côté, les étoiles n’influent pas moins sur la terre que sur l’air qui l’environne ; leur lever ou leur coucher contrariés occasionnent les froids, les pluies et les autres intempéries d’ici-bas. Ces préliminaires étaient indispensables avant de parler du tonnerre, de la foudre et des éclairs ; puisque c’est dans l’air que se passent ces phénomènes, il fallait expliquer la nature de cet élément pour concevoir plus aisément quel est son rôle actif ou passif.

XII. Il s’agit donc d’un triple phénomène, l’éclair, la foudre et le tonnerre, lequel, produit en même temps, n’est que plus tard perçu par l’oreille. L’éclair montre le feu, la foudre le lance. L’un n’est, pour ainsi dire, qu’une menace, qu’un effort sans résultat ; l’autre est un coup qui frappe. Ici sur certains points tout le monde est d’accord ; sur d’autres, les opinions sont diverses. Chacun convient que ces trois phénomènes sont formés dans les nuages et par les nuages, et en outre que l’éclair et la foudre sont ou semblent être du feu. Passons aux points sur lesquels on dispute. Le feu, disent les uns, réside dans les nuages ; instantané selon d’autres, il n’était pas avant l’explosion. Les premiers se partagent encore sur la cause productrice du feu ; celui-ci le fait venir de la lumière, celui-là des rayons du soleil qui, par leurs entre-croisements et leur retours rapides et multipliés sur eux-mêmes, font jaillir la flamme. Anaxagore prétend que ce feu émane de l’éther, et que de ses hautes régions embrasées il tombe une infinité de particules ignées qui couvent longtemps au sein des nuages. Aristote croit, non pas que le feu s’amasse longtemps d’avance, mais qu’il éclate au moment même où il se forme ; sa pensée peut se résumer ainsi : deux parties du monde, la terre et l’eau, occupent la partie inférieure de l’espace ; chacune a ses émanations. Les vapeurs de la terre sont sèches et de même nature que la fumée : de là les vents, le tonnerre, la foudre ; l’eau n’exhale que de l’humide ; elle produit les pluies et les neiges. Ces vapeurs sèches de la terre, dont l’accumulation engendre les vents, s’échappent latéralement des nuages sous une compression violente, puis de là frappent sur un large espace