Page:Sénèque - Œuvres complètes, trad. Baillard, tome II.djvu/470

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
460
QUESTIONS NATURELLES.

ainsi, un léger choc des nuages produit l’éclair ; un choc plus violent, la foudre. Voici l’explication d’Aristote : « Le globe terrestre exhale quantité de vapeurs de tout genre, les unes sèches, les autres humides, quelques-unes glacées, d’autres inflammables. » Il n’est pas étonnant que les émanations de la terre soient de nature si multiple et si variée, puisque les corps célestes mêmes ne se montrent pas tous sous la même couleur. La canicule est d’un rouge plus vif que Mars, et Jupiter n’a d’autre éclat que la netteté d’une lumière pure. Il faut donc que de cette infinité de molécules que la terre rejette et envoie vers la région supérieure , les nuages attirent des parties ignifères, susceptibles de s’allumer par leur choc mutuel, et même par la simple action des rayons solaires ; comme chez nous la paille enduite de soufre s’allume même à distance du feu. Il est donc vraisemblable qu’une matière analogue, concentrée dans les nuages, s’enflamme aisément et produit des feux plus ou moins considérables, suivant qu’ils ont plus ou moins d’énergie. Car il est fort absurde de croire que ce sont des étoiles qui tombent, ou qui traversent le ciel, ou des parcelles qui s’enlèvent et se séparent des étoiles ; si cela était, depuis longtemps il n’y aurait plus d’étoiles : car il n’y a pas de nuit où l’on ne voie plusieurs de ces feux courir, entraînés en sens divers. Or, chaque étoile se retrouve à sa place et leur grandeur ne varie point. Il suit de là que ces feux naissent au-dessous d’elles, et ne s’évanouissent sitôt dans leur chute que parce qu’ils n’ont ni foyer, ni siége assuré. « Mais pourquoi ne traversent-ils pas aussi l’atmosphère pendant le jour ? » Et si tu disais que de jour il n’y a pas d’étoiles parce qu’on ne les voit pas ? Elles disparaissent, effacées par l’éclat du soleil : de même alors des feux parcourent le ciel, mais la clarté du jour absorbe leur lumière. Si pourtant il en est parfois dont l’explosion soit assez distincte pour ressortir au milieu même de l’éclat du jour, ceux-là sont visibles. Il est certain que l’âge présent en a vu plusieurs de cette sorte, les uns se dirigeant d’orient en occident, les autres dans le sens contraire. Les gens de mer voient un signe de gros temps dans le grand nombre des étoiles filantes : si elles annoncent des vents, elles se forment dans la région des vents, c’est-à-dire dans l’espace intermédiaire de la terre à la lune. Dans les grandes tempêtes, on voit comme de vraies étoiles posées sur les voiles des vaisseaux. Le matelot en péril se croit alors sous la protection de Castor et de Pollux. Mais ce qui doit le rassurer, c’est qu’elles se montrent quand