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mers se soulèvent après le calme ; les vents soufflent alternativement ; le jour remplace la nuit ; une partie du ciel s’élève sur nos têtes, l’autre plonge sous nos pieds : c’est par les contraires que la permanence des choses se maintient8. Voilà sur quelle loi il faut nous régler : suivons-la, obéissons-lui : quoi qu’il arrive, pensons que cela devait arriver, et renonçons à quereller la nature.

Le mieux est de souffrir, quand le remède est impossible9 ; contre le divin auteur de tout événement n’essayons nulle plainte et marchons dans ses voies10. Mauvais soldat est l’homme qui suit son général à contre-cœur. Recevons avec dévouement et avec joie ses commandements ; ne troublons point, lâches déserteurs, la marche de cette belle création où tout ce que nous souffrons est partie nécessaire. Disons à Jupiter, qui tient le gouvernail et dirige le grand tout, ce que lui dit le stoïcien Cléanthe en vers éloquents que l’exemple de l’éloquent Cicéron me permet de traduire en notre langue. S’ils te plaisent, tu m’en sauras gré ; sinon, songe à Cicéron dont je n’ai fait que suivre l’exemple.

Roi des champs étoilés, ô père, sois mon guide :


Où tu veux, sans tarder et d’un pas intrépide
Je te suis. C’est la loi, que j’en murmure ou non ;
Et le destin s’impose au méchant comme au bon :

Je cède, il me conduit ; je résiste, il m’entraîne.


Ainsi doit-on vivre et parler. Que le destin nous trouve prêts et déterminés. Il n’est d’âme grande que celle qui s’abandonne à Dieu : c’est aux âmes étroites et dégénérées à tenter la lutte, à calomnier l’ordre de l’univers, à vouloir réformer la Providence, plutôt qu’elles-mêmes.


Lettre CVIII.

Comment il faut écouter les philosophes. Attalus, Sotion, Pythagore. Tout rapporter à la vie pratique.

La question que tu me fais porte sur des choses bonnes à savoir seulement pour dire qu’on les sait. Mais enfin, puisque tel