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trois précédentes. D’autres y rattachent encore ce que les Grecs appellent οίχονομιχήν, la science de l’administration domestique. D’autres ont fait des genres de vie une classe à part : mais il n’est rien de tout cela qui ne se trouve dans la morale. Les épicuriens comprennent toute la philosophie sous deux titres : l’un de la science naturelle, l’autre de la morale ; quant à la logique, ils l’écartent. Puis comme la nature même des choses les obligeait à distinguer les équivoques et à signaler le faux caché sous l’apparence du vrai, ils ont à leur tour admis une partie logique sous cette autre dénomination : du jugement et de la règle, l’estimant toutefois accessoire de la partie naturelle. Les cyrénaïques ne voulurent ni de l’une ni de l’autre et se bornèrent à la morale, mais ils ne les écartent que pour les réadmettre sous des titres différents. Ils établissent en effet cinq divisions de la morale : la première, des choses à fuir ou à rechercher ; la deuxième, des passions ; la troisième, des actions ; la quatrième, des principes des choses ; la cinquième, des arguments. Or les principes des choses appartiennent aux sciences naturelles ; les arguments, à la logique, et les actions, à la morale. Ariston de Chio, non content d’avancer que les sciences naturelles et logiques sont superflues, va jusqu’à les dire contradictoires : la morale elle-même, qu’il nous laisse toute seule, perd sous sa main de ses dépendances. Il lui enlève toute la partie des maximes, qui sont, selon lui, du précepteur, non du philosophe ; comme si le sage était autre chose que le précepteur du genre humain.

Puis donc que nous avons fait trois branches de la philosophie, procédons d’abord à la distribution de la morale. On a cru devoir en former aussi trois sections, dont la première est cette étude qui rend à chacun selon son droit et estime toutes choses leur vrai prix. C’est la plus utile ; car quoi d’aussi indispensable que d’appliquer aux objets leur valeur ? La deuxième section traite des désirs, et la troisième, des actions. Car il faut avant tout juger ce que vaut la chose, en second lieu régler et tempérer le désir qui porte vers elle ; enfin établir entre le désir et l’action une harmonie telle que dans ces trois faits réunis l’homme soit constamment d’accord avec lui-même. Qu’un seul des trois vienne à faillir, les deux autres ne se répondent plus. Que sert-il en effet de bien apprécier intérieurement toute chose, si tes désirs sont trop impétueux ? Que sert de réprimer cette impétuosité et de tenir tes passions en bride, si dans l’action l’à-propos t’échappe, si tu ignores le temps, le lieu, le