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Charles s’était préparé à faire une riposte sanglante à Betty ; mais à ce dernier reproche inattendu il resta muet, tremblant de colère et d’indignation ; sa physionomie exprimait une telle fureur, que Betty eut peur et qu’elle se sauva.

Juliette avait cherché plusieurs fois à intervenir, à faire taire Betty, à calmer Charles ; mais à cette dernière apostrophe Juliette, toujours si douce, s’écria avec violence :

« Méchante femme ! »

Et, s’approchant de Charles, elle l’entoura de ses bras, déposa un baiser sur son front, et lui dit de sa voix la plus douce :

« Ne crois pas ce qu’elle te dit, mon pauvre Charles ! Cette femme est hors d’elle ! elle ne sait plus ce qu’elle dit. Tu sais, mon bon Charles, que c’est par amitié, et non par peur, que je te garde près de moi. Tu sais le plaisir que je ressens à te savoir près de moi. Tu sais enfin qu’après Marianne tu es celui que j’aime le plus au monde, le seul que j’aime en ce monde. Oublie donc ce qu’a dit cette femme ! Le danger de son mari l’a rendue folle. N’est-ce pas, mon bon Charles, que tu ne la crois pas, que tu crois en moi, en mon amitié ?

charles.

Oui, oui, ma chère, ma bonne Juliette ; je le crois, je te crois. Merci de m’aimer tout mauvais que je suis ; merci de me le dire si doucement, si affectueusement ; ta bonté me touche au fond du cœur. »

Et Charles, s’asseyant aux pieds de Juliette