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suite Charles versa dans les casseroles vidées la soupe, la viande, les légumes destinés aux enfants, et remit le tout au feu comme l’avait laissé Mme Old Nick. Ils allèrent au réfectoire après avoir fini leur repas, et ils y étaient installés depuis peu d’instants quand les maîtres firent leur entrée. Personne ne devina le tour ; et pourtant Old Nick avait des soupçons ; trop de choses merveilleuses se passaient depuis quelques jours dans sa maison ; il ne croyait que vaguement aux fées et à l’homme noir, et il résolut de surveiller plus que jamais les démarches des enfants, surtout celles de Charles, qu’il soupçonnait plus particulièrement. Les surveillants partageaient la méfiance de Old Nick, de sorte qu’à tout hasard ils donnaient à Charles, pour le plus léger manquement, des coups de fouet, des coups de pied, des coups de poing qui le mettaient hors de lui et l’excitaient à la vengeance.

« Nous voici déjà à lundi, pensa Charles en s’éveillant le lendemain à six heures. Aujourd’hui M. Old Nick doit faire une enquête sur les événements ; personne des camarades ne me trahira ; je suis maître de la position, et demain, mardi, je me ferai renvoyer de cette affreuse maison. »

Ce matin encore, la cloche n’avait pas sonné ; Charles avait cette fois détaché la cloche elle-même. Quand il fut éveillé à quatre heures et demie par le petit bruit accoutumé, il voulut, comme les jours précédents, remettre la cloche ; mais, au moment où il approchait de la fenêtre, il