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de placer sur la table une bonne soupe aux choux et une assiettée de crème, elle aperçut un gros Crapaud qui dévorait avec avidité des cerises posées à terre dans une large feuille de vigne.

« Vilain Crapaud, s’écria Agnella, je t’apprendrai à venir manger mes belles cerises ! »

En même temps elle enleva les feuilles qui contenaient les cerises, et donna au Crapaud un coup de pied qui le fit rouler à dix pas. Elle allait le lancer au dehors, lorsque le Crapaud poussa un sifflement aigu et se dressa sur ses pattes de derrière ; ses gros yeux flamboyaient, sa large bouche s’ouvrait et se fermait avec rage ; tout son corps frémissait, sa gorge rendait un son mugissant et terrible.

Agnella s’arrêta interdite ; elle recula même d’un pas pour éviter le venin de ce Crapaud monstrueux et irrité. Elle cherchait autour d’elle un balai pour expulser ce hideux animal, lorsque le Crapaud s’avança vers elle, lui fit de sa patte de devant un geste d’autorité et lui dit d’une voix frémissante de colère :

« Tu as osé me toucher de ton pied, tu m’as empêché de me rassasier de tes cerises que tu avais pourtant mises à ma portée, tu as cherché à me chasser de chez toi ! Ma vengeance t’atteindra dans ce que tu auras de plus cher. Tu sentiras qu’on n’insulte pas impunément la fée Rageuse ! Tu vas avoir un fils couvert de poils comme un ours, et…

— Arrêtez, ma sœur », interrompit une petite